Prendre un chemin pour se perdre, de Pierre Ménard

juin 03, 2011

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Pour ces vases communicants de juin, fierté d’accueillir dans cette nouvelle cabane Pierre Ménard et son texte, qui entre tant en résonnance avec mes projets d’écriture… Et pendant ce temps, je m’en vais faire un tour sur son site si riche, Liminaire

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D’habitude on utilise les guides urbains sur mobile pour savoir où l’on est et où l’on va, mais rarement pour se perdre. Serendipitor nous surprend en nous égarant volontairement, en permettant notamment d’entrer en contact avec ceux que l’on croise dans l’espace public. C’est en effet avec cette idée que Mark Shepard, de l’université de Buffalo, a mis au point cette application qui combine indication d’itinéraire, intégrant Google Maps, avec un système de recommandations actualisées en temps réel. Ce qui permet de découvrir des lieux inédits, en effectuant un trajet entre un point A et un point B. Le dispositif, baptisé Serendipitor, car basé sur la sérendipité, vise aussi à lancer des défis à l’utilisateur en lui suggérant des actions tout au long de son parcours, s’inspirant des performances artistiques du mouvement Fluxus, des artistes Vito Acconci, et Yoko Ono. Au début des années 60, Fluxus propose des promenades-performances, proches des dérives situationnistes. Une variation de la marche comme mode artistique opératoire.

Yoko Ono, qui s’inscrit dans la lignée du mouvement Fluxus auquel elle a activement participé dès sa création, a par exemple conçu City Pieces qui regroupe un ensemble de gestes du quotidien : se promener en ville avec une voiture d’enfant vide ou de sauter dans des flaques d’eau… qu’elle fait sans aucune appréhension et sans savoir où elle va. Elle a conçu également en 1964 Map Piece dans laquelle elle invite le public à dessiner une carte pour se perdre.

« Le but est de retrouver le goût de la dérive, pour Mark Shepard, de trouver quelque chose en cherchant quelque chose d’autre, mais aussi de démontrer que le téléphone portable n’isole pas forcément les individus quand ils l’utilisent dans l’espace public. »

 

Comment cela fonctionne ? Tout d’abord, il faut télécharger l’application sur son appareil. Ensuite, on entre un point de départ A. et une destination B. Mais on peut tout à fait laisser l’application les choisir à notre place. Dans les deux cas, Serendipitor (téléchargeable sur itunes) trace un itinéraire entre ces deux points, dont on peut également augmenter ou réduire la complexité en fonction du temps dont on dispose. Durant le parcours, l’application nous géolocalise afin de nous suggérer au fur et à mesure du périple des actions à faire à des endroits définis. Par exemple, suivre une personne sur une centaine de mètres, photographier un pigeon, s’arrêter chez le fleuriste, acheter une rose et l’offrir au premier venu, ou découvrir la bibliothèque qui se trouve sur le parcours en question.


J’ai voulu tester l’application en me promenant à Melun où je travaille. J’ai suivi les indications qui apparaissent en anglais sur la carte Google mais je m’en suis très rapidement éloigné. J’ai marché jusqu’à la pointe de l’île Saint-Étienne à Melun, en prenant régulièrement des photographies. Sur la pointe de l’île, les cygnes ont élu domicile, à l’ombre des grands platanes. On s’approche d’eux sans les effrayer, à pas lents, sur les pavés disjoints. Le sol est jonché de leurs plumes blanches, l’impression de marcher sur une moquette blanche. Je me suis approché d’un jeune cygne au plumage parsemé de pointes noir. Il tenait debout, mais sur une seule patte, en équilibre précaire. Je n’ai pas voulu lui faire peur, et suis resté un peu à distance avant de revenir sur mes pas. J’ai pris le chemin qui longe le bras mort de la Seine. Une péniche peinte en bleu, y est amarrée. Une boîte aux lettres juste devant. C’est un peu comme une voiture que l’on garderait bien au chaud dans son garage. On peut partir à tout moment, mais on reste là. Sans bouger. Le chemin est bordé d’arbres, ses branchages se courbent jusqu’à l’eau, couvrent d’ombre ce petit chemin d’herbe et et de terre qui fait le tour de l’île. Sur l’autre côté de la rive, de belles demeures, un peu à l’écart du centre-ville, prennent le soleil.

En rentrant je me suis rendu compte que l’application n’avait gardé, parmi mes nombreuses photographies, que les dernières de mon parcours. Sur le moment, je marque le coup. Un peu déçu, désappointé.

 

 

 

 

Je ferme les yeux. Je reproduis mentalement le chemin, tente de raviver le souvenir de chaque photo, comme autant d’étapes de mon parcours et d’établir ainsi une liste des photographies prises dans ce lieu précis, le temps de ma promenade, et de les décrire en me limitant à une seule ligne de texte, pour les garder dans la boîte noire de ma mémoire. L’ensemble de ces descriptions forme une espèce de litanie spéculaire.

Coquelicots fragiles contre un mur, comment peux-tu effacer ton ombre parmi les pierres ?

Blocs de pierre qui glissent en marches dans l’eau pour y disparaître.

Cygne blanc s’ébrouant sous l’eau qui devient verte, l’écume blanche est sonore.

Cygne noir jouant au flamant rose en équilibre précaire sur le pavé bancal.

Plumes d’oiseaux, moquette blanche parsemée de chiures et de feuilles séchées.

Baraque en pierre de taille aux fenêtres fermées depuis longtemps par des parpaings.

Petit chemin qui longe sinueux la Seine sous l’arche sombre des platanes.

Larges marches de pierre ne menant plus nulle part, où meniez-vous avant ?

Feuilles des arbres qui se reflètent dans l’eau comme le ciel, vaguement.

Escalier en colimaçon recouvert d’écriture peinte à la hâte pour rejoindre un pont au-dessus.

Et pour suivre les autres vases communicants, c’est ici. Merci à Brigitte Célérier.

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Ce qui couve

mai 30, 2011

Dans le jardin aussi, des abandons. Ce nid tombé à terre : parce qu’il ne servait plus? Est-ce un chat, le vent, ou bien le temps, seulement, qui l’a délogé du creux de branches où il avait été construit? Toujours est-il : reste cette forme. Et dans son inlassable répétition, ce qu’elle enseigne. L’enchevêtrement des causes pour arriver à une telle simplicité. Et aussi, un certain opportunisme dans ce qui est ramassé. Tout est bon à prendre, mousse, brindilles, fil nylon. Et bien sûr, y laisser aussi ses propres plumes.

A le prendre dans la main on sent bien comme c’est léger, fragile comme tout. Mais souple aussi : après avoir été serré, étouffé dans la paume, redevient rond, immuable sous la pression.

Et pour préparer quoi? Quelque chose qui se casse, quelque chose qui s’envole.

 

 

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La part sombre

mai 25, 2011

Dans cette maison, il y a des endroits sombres, qu’aucune électricité ne vient encore révéler. Bien sûr on peut y pénétrer à la lampe torche, découper des morceaux de réel dans tout ce noir accumulé. On voit alors des dizaines de bouteilles jonchées, remplies encore, pour certaines, d’un liquide épais. Ou bien, dans cet autre endroit, au sol, sous les pieds, une trappe, et sous la trappe aucun escalier, le vide. Mais le faisceau n’abolit pas l’ombre, et quand on sort, qu’on referme la porte, le noir envahit tout l’espace derrière, derrière la porte, mais derrière la tête aussi. On retrouve ces sensations d’enfance, tout ce peuple du noir prêt à surgir derrière n’importe quelle porte inhabitée, cave ou placard à chaussures. Et c’est comme s’il reprenait sa place, le sombre. Sa vraie place impossible à coloniser, juste à côté, contigue à notre propre monde. Et entre nous seulement cette mince porte, et l’illusion de pouvoir la maintenir réellement fermée.

Cette mince porte, on la pousse toutes les nuits, pour y explorer quoi? Nous en revenons chaque matin aveugle et sourd, seulement peuplé d’indices, et d’une peur sans origine. Alors, on s’étourdit de travail, de lumière, on civilise avec ardeur les pièces à fenêtres.

 

Si vous voulez pousser la porte éveillés, il y a bien ça qui peut servir de pied de biche, le texte que j’ai écrit en janvier 2010, chez Publie.net, et qui vient d’être réédité, en version augmentée, en epub, de quelques textes chuchotés : Saphir Antalgos, travaux de terrassement du rêve,  (et merci à François Bon pour l’occasion donnée de cette nouvelle version).

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Les occupantes

avril 26, 2011

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Ca commence comme ça, faire jouer sur leurs gonds des huisseries endormies. Ca grince, ça s’ouvre. Ca fait rentrer la lumière, l’air.
Regard autour, mesure des proportions, des abandons.
Soulever la poussière. Débusquer des insectes affolés et leurs larves.
En passant, sentir que l’on emporte aux épaules, et dans les cheveux, des restes de soies noires et complexes, qui lentement s’étaient tissées aux encoignures. Sur la laine elles resteront fidèles, d’avoir ainsi été déchirées.
Aller chercher un plumeau, long, long, long, pour mettre beaucoup de distance entre soi et les toiles à désengager. Il y en a tellement, il y en a partout. Et leurs formes, on pourrait en faire catalogue.
Il y a les à peine perceptibles pelotes de soie blanche, accrochées aux plinthes, tenaces, coriaces malgré leur délicatesse.
Il y a les grands plaids épais et suspendus en hamac entre deux poutres. Celles-là resteront : trop hautes pour être atteintes. Et on se prend, aussi, à aimer le filtre qu’elles font à la lumière venant du toit.
Il y a les récentes, les habitées, les sournoisement cachées. Celle-là on ne les dégomme pas au balai. Recours à l’arme lourde. On ouvre le placard et dès qu’ouvert on braque l’aspi dans les coins, comme dans les films américains. Parfois la locataire résiste un peu, sur ses longues pattes s’enfuit, s’accroche, avant de céder, comme nous tous un jour, à l’aspiration.
Il y a aussi ces nobles amas noirs accrochés en haut des portes, écroulés sur eux-mêmes comme des vieux astres, et faisant un bruit mou et lourd, un bruit d’oeuf gobé, quand le tube les happe.
Et puis, on croit qu’on a fini le travail, et on aperçoit encore un filament qu’un faible courant d’air fait danser. On l’attrape, on l’arrache, et vient alors sous le doigt toute une histoire planquée, plaquée. Une écriture fine et clandestine, en affleurement des murs, de tous les murs. Et de se prendre à espérer d’être lue un jour comme cela, par surprise.

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L’écriture, cette singerie

février 21, 2011

noix 2

Comment elle est arrivée là, vous n’en savez rien. Vous vous apercevez subitement de sa présence, et dans ses yeux, qu’est-ce que c’est? De l’audace? De la terreur? Vous la regardez, elle prend ça pour une autorisation, elle vous saute sur l’épaule.
Elle ne pèse pas bien lourd. Mais quand même. Au début vous la foutez par terre. Elle revient, la patte cassée. Vous ressentez, quoi? Une sorte d’attendrissement, peut-être. Un peu de pitié, pour cette bête perdue, efflanquée. De l’agacement aussi. Vous n’avez pas que ça à faire, de vous occuper d’une petite bête à poils, qui a l’air de tellement demander.
Mais voilà, elle est là, juchée sur votre épaule.
Quoi faire?
Sa chaleur le long du cou, pas si désagréable, et qui vous soulage d’une légère contracture. Et puis, cette habileté à vous épouiller. Bon d’accord, c’est elle qui vous les a donné, les poux.
Vous pouvez la revêtir d’un petit costume rouge à galons. Accompagné ainsi, vous vous donnez en spectacle. Pas sûr que ça vous apporte ni la gloire ni les espèces sonnantes, mais enfin, elle n’a pas son pareil pour dérober des portefeuilles crevés, et leurs propriétaires n’y voient que du feu. Ses frasques, peut-être, pourraient vous désennuyer de vous-même. Vous ne vous ennuyiez pas, pensez-vous. Bien, c’est vous qui savez. Au moins, sa queue souple, nerveuse, permet de chasser les mouches qui vous tournent autour. Et puis, avec ses dents pointues, ses longs doigts agiles, elle sait dépiauter pour vous des noix très dures. Vous, vous la nourrissez aussi, par dessus l’épaule. Elle recrache parfois, méfiante un peu, de cette nourriture qu’elle ne connait pas. Ensuite, elle redemande. Elle vous mange dans la main. Pour vous remercier, elle chaparde par dessus le mur quelques pommes bien juteuses, qu’elle vous tend.
Et puis, quand la nuit vient, ses cris perçants, ses babines retroussées feront peut-être fuir vos plus ignobles fantômes.
Ne cherchez plus de raison (de prétextes?) à sa présence. Elle est là, elle vous accompagne. Vous faites la vaisselle, elle est là. Vous travaillez, elle est là, qui regarde vos mains s’affairer. Vous vous promenez dans la rue, elle est là, toujours sur votre épaule, à regarder le paysage, avec cette vision légèrement décalée, forcément, par rapport à votre propre regard (légèrement plus à droite, ou plus à gauche, selon le côté où vous la laissez s’installer). Attention, ne vous penchez pas trop bas sur votre assiette, elle va tomber dans la soupe. Si, dans certaines conditions, sa présence vous semble trop inconvenante, cachez là dans votre chapeau. Elle s’endormira, elle saura se faire oublier.

Il y a eu ces quelques fois où elle vous a mordu l’oreille, presque jusqu’au sang. Vous avez pensé, elle a la rage. Mais non, c’était juste pour vous empêcher de vous endormir, sur ce texte qui traîne un peu. Elle ne sait pas bien y faire parfois. Ses méthodes sont griffues. Mais dans ses yeux profonds, profonds, vous lisez cela, la reconnaissance de voir grâce à vous l’horizon d’un peu plus haut, un peu plus loin.

A vous regarder aller, elle et vous, on croirait de ces formules mathématiques : Yx.

Elle est votre exposant. Depuis qu’elle est là, vous ne le sentez peut-être pas, mais vous vous multipliez vous-même à une puissance inconnue, moins humaine que vous sans doute.
Et de toute façon : vous la chassez, vous faites mine de ne pas vous en occuper, elle revient quand même. Vous pensiez, ces derniers temps, l’avoir distancée pour de bon. Mais non, elle est de nouveau sur votre épaule. Petite bête qui monte, inlassable, insatiable. Elle vous suivra jusqu’au bout du monde. Sans faire un pas, cette paresseuse.

Mesurez votre chance.  Ca aurait pu être un gibbon, un orang-outan, ou bien le yéti. Mais non c’est un tout petit singe pitre, et si affectueux. Elle vous est toute acquise, farouche animal domestique. Alors, puisqu’elle est là, gardez-là. Elle ne coûte pas si cher en entretien. Et que demande t-elle, vraiment? Quelques centimètres carrés de votre surface, à peine. Cantonnez-là. Si c’est trop, quand même : déposez là doucement à terre. Mais ne vous fâchez pas. Ne lui dites pas «Sapristi, ce ouistiti!» ou encore, avec une grosse voix «Ma claque de ce macaque!». Car dans sa fuite, dans sa peur, elle laisserait sur vous, en décampant, une petite flaque. Que vous assécheriez d’une main rapide.

Humant vos doigts ensuite, vous vous demanderiez, suspicieux, si c’était vraiment des larmes. Et vous n’auriez plus jamais un revers de veste impeccable.

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De la dureté, de la douceur

février 11, 2011

chimère

J’allais vous parler de cela, de ce cerveau de chimère fossilisé, vieux de 300 millions d’années, qu’on a retrouvé récemment et qui ce matin encore me semblait la chose importante à vous dire (l’écriture, sa capacité à fabriquer de la dureté). Et puis je suis sortie, il y avait cette lumière, et j’ai oublié que c’était pour quelque chose. Il y avait, il y a cette douceur dans la rue. Affolante, pour qui est nourri de la sève du froid. Il y a le pas des gens, un peu plus lent. Il y a de la légèreté, et aussi un arbre précoce déjà rose, au coin d’une rue pas loin. En rentrant j’ai croisé le monsieur de la synagogue en face de chez moi, qui a sorti une chaise sur le pas de la porte, et qui est là à rien faire. Dans ma cour, des fenêtres entrouvertes, qui laissent passer des voix. Moi aussi j’ai laissé la fenêtre ouverte. Ma fenêtre est une porte, et en ce moment même un chat vient d’entrer, prudent. J’entends des cris d’enfants qui portent loin depuis la cour de l’école à 100 mètres, parmi ces cris de jeux il y a mes enfants. J’irai les chercher tout à l’heure. Le chat vient de repartir, un oiseau chante. Le monde n’est pas qu’un bruit dont il faut perpétuellement régler les fréquences. Les chimères volent avant de durer. Et celle dont je voulais vous parler, ma foi je veux bien attendre 300 millions d’années de plus avant que cela, et seulement cela, m’échoie. Pour le moment : je m’évite, je lévite.

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Et pourtant elle tourne

décembre 08, 2010

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Engagée ces derniers temps dans un chantier titanesque. Quelque chose d’entièrement nouveau, qui mettra tout le monde sur le flanc. Quelque chose qui satisfasse l’universel besoin ancré au plus profond de nos hypothalames, l’universel besoin de vitesse. Et celui, aussi, de réduire au plus les frottements d’avec la matière (surtout celle du bas). Quelque chose qui permette de charrier beaucoup plus lourd, beaucoup plus loin. Ce travail : trouver la forme juste qui combine immobilité absolue, vitesse multipliée, distance, résidence. Oui, ça mettra tout le monde sur le flanc. Ou même sur le cul, si en même temps j’invente la banquette en moleskine.

Et ensuite, je m’attaque à l’eau chaude.

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rebond

novembre 18, 2010

balle

 

Au hasard des pages web feuilletées ce matin, cette phrase : « Bourse, rebond poussif ». Je clique, m’en vais illico (taux de rebond élevé). Puis, interrogation « rebond poussif, bourse » : multiples occurences depuis 2008. Ce n’est donc pas maladresse, mais expression consacrée. Et c’est vrai : admirons le bel accolage :

- manière d’instiller l’espoir et de le contredire la seconde d’après,

- manière de suggérer la bourse en grand animal fatigué, courbaturé, mais plein encore de bonne volonté,

- manière de figurer le marché en boule de pétanque lancée à pleine vitesse contre le sol empoussiéré de nos sociétés vieillissantes. On s’étonne encore qu’elle n’ait pas redécollé aussitôt.

Rien n’est dit, en revanche, du résultat de l’action précédente, le même petit cochonnet toujours efficacement dégommé.

 

Et notre plus grand souhait, toujours, celui de rapporter.

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Le trou

novembre 08, 2010

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Derrière une vitrine : un trou. Ce n’est pas tous les jours, un trou en vitrine. Les trous d’habitude on les cache. Les trous sont honteux, c’est comme ça. On met toujours quelque chose par dessus un trou, une culotte, un bouchon, un couvercle, une chape de béton, une anti-sèche. Ca dépend des trous.

Mais voilà, ce jour là, le trou était en vitrine. Ca laisse tout loisir pour penser soi-même quoi mettre par dessus ce trou, derrière cette vitre. Quoi exposer une fois qu’on en a fini avec le trou, qu’on pense en avoir fini avec le trou.

On pourrait y faire voir tout plein de beaux produits, tout plein de pleins qui feraient oublier le trou.

Ou alors, on se trompe. Le trou n’est pas provisoire. Ce n’est pas un chantier destiné à autre chose qu’à lui-même. Le trou, devenu sa propre finalité. Le trou exposé. Mais une exposition de trou, est-ce encore un trou?

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J’y vais j’y vais pas

octobre 21, 2010

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J’aurais bien pu y aller, toute cette semaine, au lycée. Pas pour mener ateliers d’écriture : à l’intérieur il n’y avait pas d’élèves, ou peu. Mais je me suis posée la question, dois-je y aller quand même, aller voir, témoigner de ce blocage parmi d’autres? Et puis non, je n’y suis pas allée. Parce que, quoi? Qu’aurais-je pu voir et en dire, dans ce feu de l’action si facile à scénariser? Qu’aurais-je pu voir et en dire qui donne justice à ce qui se passe? Et de quel droit l’aurais-je dit? J’aurais peut-être pu faire quelques photos de poubelles qui crament. J’aurais pu faire la subtile, séparer, devant la grille du lycée, ceux qui viennent pour casser et puis les autres. J’aurais pu gloser sur la jeunesse. Mais je n’en connais rien d’autre que la mienne qui s’éloigne et celle de mes enfants qui se dessine à petits traits. C’est bien pour cela que je suis heureuse de faire cette résidence en lycée, pour m’approcher d’une classe d’âge que dans ma vie actuelle je ne fréquente pas, pour m’en approcher seulement, sans chercher forcément à avoir à en dire quelque chose, mais avec la ferme intention d’aller voir les personnes derrière le rideau de discours tout préparés et un peu rances qu’on nous sert régulièrement. Eh bien alors, c’était le moment? Non, ce n’était pas le moment. Ce n’était pas le moment car je crains beaucoup l’intérêt (dans tous les sens du terme) qu’on pourrait trouver à interpréter ce type de témoignage, à y trouver des preuves supplémentaires pour des opinions déjà faites.

Donc, planquée? Peut-être bien. Je n’ai jamais eu d’autre impression où que j’aille et quoique je fasse, que celle-ci, de n’être pas où les choses se passent. Mais c’est dans ce vide, peut-être, entre là où l’on est et là où les choses se passent, qu’il y a possibilité d’écriture.

Donc, la seule chose qui a cramé pour moi cette semaine, c’est le feu périphérique de ma gazinière.

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