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Le chien, comme l’homme, a besoin qu’on le désennuie. A moins que ce soit l’homme qui projette sur le chien. Toujours est-il : dans cette relation complexe de l’homme et du chien, intervient rapidement, comme dans toute autre relation qu’instaure l’homme avec ses semblables (oui, je me suis relue), un objet. Un objet, c’est-à-dire le support matériel du divertissement.

Le divertissement, autrement appelé os à ronger, se comporte ici comme une baballe à double rebond. L’ennui de l’homme se dissout dans le soin du chien, celui, réel ou supposé, du chien, se dissout dans l’os à ronger. Ou dans la balle.

Il y a bien sûr une différence entre un os et une balle. Les deux se prennent dans la gueule (du chien), mais avec l’os, le chien se suffit à lui-même, alors qu’avec la balle il a besoin du maître.

Le maître préfère la balle. Car avec l’os, son propre problème d’ennui reste entier : le chien occupé n’a plus ni yeux ni dents pour l’homme.

Le maître préfère la balle, car il aime projeter. Il aime projeter, mais il aime aussi que ça rapporte (want my money back).

Or, nous vivons une époque où métaphysiquement parlant, les chiens sont fatigués.

C’est pourquoi l’homme a fabriqué, au cours d’un lent processus d’hybridation et d’innovation technologique, cet os à ranger projetable et au retour entièrement garanti : l’idée même du divertissement rentable.

L’autre, qu’il soit homme ou chien, n’est plus tout à fait nécessaire pour supporter de vivre. Contre l’ennui, il y a désormais cet objet aux formes à la fois suggestives (promesse de plaisir? fécondité?) et aporétiques.

Pour me convaincre de la justesse du raisonnement, j’ai tapé « boomerang » dans la petite fenêtre du haut : premier résultat, boomerang.tv, ou comment désennuyer les enfants sans avoir besoin d’investir dans tout ce qu’une relation peut avoir de fastidieux. Réjouissons-nous.

 

L’objet présenté ici provient de la très riche collection d’os pour chien de Joëlle Gonthier, artiste plasticienne qui entre autres nombreuses choses sillonne la France avec une immense valise bourrée d’os pour chien (et autres surprises), pour explorer dans des conférences publiques la question du rapport à autrui, de l’abstraction, et de l’art… Merci à elle pour le prêt et son autorisation à développer à partir de cet objet beaucoup moins anecdotique qu’il n’y parait, mes propres projections.

Ici son site sur un autre projet, la Grande Lessive. Bref, allez-y voir.

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