En pointillés
juillet 05, 2011
Pendant quelques semaines, ce n’est que de cette manière là que j’apparaitrais, peut-être, à cet endroit. Ce site n’a jamais été et ne sera jamais une autoroute, mais il prendra ces prochains jours des allures de chemin de terre… Que l’été vous soit propice.
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Le fourmilion et moi – Christine Jeanney
juillet 01, 2011
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C’est bizarre quand même d’avoir attendu si longtemps avant de proposer a Christine Jeanney de vase-communiquer…j’aime tant son écriture follement précise, vaguement folle…. Enfin la voici ici chez elle.
Ici chez elle je sévis
La liste des vases de juillet est ici ( merci Brigitte Celerier)
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Ça commence par de petits entonnoirs dans la terre sèche, toujours aux mêmes endroits, même quand je lisse la surface de la main ou du pied, ils reviennent, ça commence étrangement.
Ça continue par une photo de l’endroit que je twitte @cjeanney Qu’est-ce que c’est ?
@paesineI wouah un trépied invisible /
(une belle idée, mais vite chassée, n’ayant pas d’appareil photo invisible à fixer dessus)
@CanisLupusBzh Les oiseaux visiblement ils aiment à prendre en vos jardins le bain de poussière qui les préservera de la vermine.
Je lui indique que non, puisque les trous laissent échapper parfois, mystérieusement, de petits jets de poussière verticaux…
(nous évoquons ensemble l’hypothèse hasardeuse de minuscules baleines hydrophobes vivant sous terre)
@robinsonenville la réponse à la question m’intéresse aussi ! Fourmilion ?
Car c’est le piège du fourmilion de creuser un trou évasé dans lequel les petites bêtes glissent. Et puis
@robinsonenville j’aurais ça chez moi, je camperais devant pour saisir le drame #cruauté #entomologie #fabredepoche
Alors bien sûr je campe. C’est facile. Juste à côté de la porte d’entrée. On rentre/ on sort / on fait un détour pour épier. (croquis 1)
Ensuite je m’intéresse.
Le fourmilion ventru aime manger les fourmis et ne connait que la marche arrière. Impossible pour lui de les attraper à la course ou au lasso. Alors il recule au creux de la terre sèche, s’enfonce et donne de grands coups de nuque pour évaser son entonnoir funeste correctement (d’où les petits jets de terre sèche) et il attend que les fourmis y tombent, glissent et retombent, se fatiguent, puis de guerre lasse se laissent manger.
Et c’est mon voisin.
Comment c’est chez lui ? je me demande. (croquis 2)
Bon, c’est approximatif, la vérité est plus proche de ça (croquis 3) :
Et puis j’arrive à prendre photos en mitraille de la bête.
Photo 1 : elle est là.
_ Ciel ! ce trou est une bauge ! encombré de ficelle pelucheuse et graine, quel désordre ! s’exclame-t-il avec force.
Quelques coups de nuque bien placés et les déchets encombrants s’envolent (photo 2).
« Propreté et rigueur sont les deux mamelles du fourmilion » (proverbe proverbial) (photo 3).
Je zappe le moment où il enfonce ses crocs dans la proie malchanceuse, la digérant sur pied.
Et verrai-je le moment où recroquevillé en cocon il se transformera en diablotin ailé (proche de la libellule) ?
En attendant je rêve : « fourmi-lion », comme dans ces jeux pour enfants où l’on s’amuse à créer, tête de poisson/derrière de tigre, des animaux chimériques.
Et puis quelque chose me dit que nous sommes très proches lui et moi : postée dans mon trou d’internet (comme d’autres) et à grands coups de nuque je récupère les liens qui glissent vers moi pour m’en nourrir. Autour, je vois qu’il y a beaucoup de trous, de traces.
Nous sommes tous des fourmilions.
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Cartonner
juin 29, 2011
Elle n’avait plus d’autre occupant permanent que celles-là depuis 1956. Parfois, pas souvent, quelqu’un, pour venir passer quelques jours, ouvrir les fenêtres, débroussailler.
Parfois, pas souvent, de moins en moins souvent.
Et puis ils ont décidé de s’en séparer.
Dans cette maison il y avait :
Des tables,des chaises, des armoires, des commodes, des guéridons
Des tapis usés
Des ammonites fossiles
Des chaises de jardin en rotin
Des bouts de dentelles, bouts de ficelles
Des balances d’épicier
Une petite lanterne magique
Un vieux casque militaire, quelle guerre, quelle armée?
Des morceaux de vieux marbres éclatés
Des cloches en verre avec rien dedans à montrer
Toute une série de clefs, des petites, des grandes, des très ouvragées, des reliées à des étiquettes sur lesquelles l’encre de l’écriture manuscrite s’est définitivement effacée. Des clefs, pour des serrures depuis longtemps abolies. Toutes n’ouvraient rien.
Des malles, avec dedans des livres sur le bas empire romain, des vieux rideaux déchirés, de cette couleur cramoisie dont on fait les théâtres
Des papillons épinglés, resserrés dans un cadre
Un piano désaccordé
Un distributeur à allumettes fixé au mur de la cuisine
Des chemises et des pantalons d’homme accrochés à une tringle, dans un placard poussiéreux
Des dizaines de bouteilles vides, et certaines encore pleines, d’un vénérable vinaigre
Des albums de photographie, avec cette dame regardant l’objectif, du haut du perron, raide, noire, engoncée jusqu’au cou dans sa robe d’un seul tenant. Elle ressemblait un peu, par la couleur et par la forme, à ces bouteilles encore présentes dans la cave
Des matelas aux taches brunes, qui ont vu combien de gens dormir, pleurer, faire l’amour?
Une marionnette balinaise
Des brins de buis sèchés au zénith des lits, ou bien des crucifix, ou bien les deux
Des miroirs, et qui dedans s’y est vu, qui devant à souri, froncé les sourcils, constaté qu’il était amoureux, malade, vieillissant?
Des chenets ressemblant à des proues de bateau, tête de femmes impassibles fuyant le feu indéfiniment, prisonnières ou gardiennes?
Une petite barque en bois vernissé
Des bidons vides
Et dans le grenier, cette peau de léopard cartonnée, vitesse définitivement figée
J’aurais bien, on aurait bien voulu garder tout ce fatras. Prendre le temps de l’impossible tri. Mais ils n’ont pas voulu.Tout cela ou presque, a disparu. Emporté, disséminé, pour être revendu, bradé, jeté. Comme s’il y avait un secret, une honte à faire disparaître. Comme s’il fallait que ces souvenirs qui n’étaient pas les leurs ne soient plus possédés par quiconque. Et peut-être nous, nous n’avons pas compris, que cette maison, cette maison à eux sur le papier, si peu habitée, étaient quand même pour eux, les héritiers, chargée, de regrets, de jalousies, de choses brûlantes, mal éteintes, qu’il valait mieux disperser.
Et pour nous qui arrivons, ce sentiment de responsabilité sans doute faussement endossé. Comme l’idée d’une mutilation subie, pour cette maison, d’être ainsi vidée, par le gros et par le menu, de tout ce qui l’encombrait. Un sentiment déplacé, une nostalgie de quelque chose qui n’a pas été vécu. Une nostalgie de grenier, de misérables merveilles, d’enfance à réinventer qui n’aurait pas lieu.
Seule la poussière reste, le piano désaccordé, une cloche en verre fêlé, le distributeur d’allumettes en plastique, la barque, les bouteilles, vides et pleines, une malle, vide.
Et alors, par la mémoire, par l’écriture,faire l’inventaire, incomplet, partial. Faire tenir ensemble ce qui n’y est plus, raccommodage. Savoir qu’en faisant cela on cartonne la vie, on la rend roide comme peau de léopard incapable de courir.
Après tout, c’est mieux ainsi, c’est mieux vidé. La place est nette, la place est prête désormais, à accueillir nos propres accumulations, nos propres dispersions.
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D’ici là
juin 24, 2011
D’ici là peut-être vous aurez lu d’Ici là n°7, il suffit d’aller là pour en savoir plus, et ici pour l’acheter pour le prix de même pas deux cafés au comptoir.
(et si j’ai choisi cette image c’est bien sûr parce qu’elle résonne pour moi avec le thème de ce n°7)
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Tout est en place
juin 23, 2011
Corps sédentaire, qui a faim et qui mange, qui a sommeil et qui dort, toujours dans le même lit, ou peu s’en faut. Corps solitaire, pulsation immobile, prend-laisse, prend-laisse, c’est tout ce qu’il sait faire. Corps sanitaire prend la seule distance qu’il puisse : expulse. Corps incendiaire brûle les étapes, les calories et les souvenirs.
Corps flottant, corps social, sans doute.
Et quand tout a été consommé, quand tout a été consumé : l’idée d’un départ possible, d’un ailleurs possible. Ce n’est qu’une idée, soit.
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Il y a, il n’y a pas
juin 20, 2011
De cette belle nuit remue du 18 juin, je garderai le souvenir de tous ces visages rassemblés, de toutes ces voix si différentes, si convergentes parfois, celles, notamment de Philippe Rahmy, que j’étais si contente de rencontrer enfin, et dont j’ai aimé le duo avec Mathieu Brosseau, celles d’Hélène Frédérik, d’Antoine Dufeu, de Lucie Taïeb que je ne connaissais pas, que je vais m’empresser de lire, celle de Pierre Senges dans un grand numéro de grand singe, celle de Joachim Séné qui nous a lu un brouillon qui donne envie de lire le reste, celle de Laurence Skivée, celle de Benoit Vincent dont le regard de botaniste sur le nom ne peut que plaire à petite racine, et voilà, je suis injuste de ne pas les citer toutes, injuste et surtout paresseuse, car en chacune quelque chose m’a touchée, en ce que, sous des modes différents, elle mettait à chaque fois en oeuvre cette impossibilité, faire coïncider l’écrire et le lire.
En attendant que toutes ces voix soient collectées sur remue.net, voici la mienne qui n’a pas tout à fait joué le jeu de cette impossibilité là, qui s’en ai joué en tout cas d’une autre manière, puisque je suis restée muette sur scène, à laisser parler mon texte sans moi.
Et pendant ce temps là, puisque j’avais les mains, la tête et le corps libre, j’ai twitté cela, pour me faire mentir, car j’ai aimé être en présence de tous ceux là qui étaient ensemble ce soir là. De vraie absence, il n’y avait que celle des accents que je ne sais toujours pas faire sur mon téléphone…
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Passer les lignes
juin 16, 2011
Où ça se situe, écrire? Plus ça va moins j’arrive à me dire que ça se situe en pays de littérature. Je n’ai aucune chance pour l’art commercial, je suis trop rationnelle pour l’art brut, trop prétentieuse pour l’art amateur. Finalement je suis assez tentée par les travaux d’aiguilles, mais encore faut-il savoir de pas sauter trop de mailles.
Bref, tout ça pour dire que samedi prochain 18 juin, de 17H30 à 22H, y en a tout un tas qui viendront lire leurs textes, et peut-être bien qu’on verra ainsi se dessiner une nouvelle cartographie. Cela s’appelle la nuit remue, je serai là pour écouter, pour lire aussi, et tous les détails si vous voulez vous y joindre sont ICI.
Et l’image, je l’ai empruntée au Musée international des arts modestes… de Sète.
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Ossature
juin 15, 2011
Ce qui fait tenir une maison ce sont les fondations, on le sait. Des fondations profondes dans une terre stable. Une terre stable, et fichées dedans, des pierres souples et sèches comme des pieds de lutteur. Car l’immobilité est une lutte.
Ensuite, une pierre dessus l’autre et si la fondation est bonne, rien ne s’écroule.
Ah oui, vous croyez ça, vous?
Non, ce qui fait tenir une maison ce sont aussi, j’aime à penser que ce sont surtout, les croisées qu’elle s’invente, bien au dessus du sol. Ce sont, pour faire tenir les étages ajoutés, ces tiges de fer qu’on lui enfonce comme dans une chair et qui la traversent toute entière. Condition de l’élévation. Et pour visser cela, à même la façade, ces éléments austères et flamboyants, qui sont tout, sauf de décoration : des lettres.
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Les inaperçues
juin 10, 2011
Je n’avais pas l’intention de publier un texte aujourd’hui. Je voulais, seulement, pour autre chose qui n’a pas vocation à diffusion immédiate, regarder une photo prise il y a quelque temps, pas encore déchargée de l’appareil photo. Alors j’installe la petite carte SD dans la fente prévue à cet effet, et puis j’importe. Et je tombe sur cette image.
Je suppose qu’elle est de ma fille. Car il faut dire qu’il s’agit de son appareil photo : le mien étant en panne depuis de nombreux mois, je lui pique régulièrement le sien.
Bref, j’apprends en une image qu’il se passe chez moi, en ma présence, des choses qui m’échappent totalement. Tout un monde parallèle, où les brosses à dents usagées sont sauvées à mon insu du naufrage, et retrouvent en clandestinité celles en service, pour des réunions au sommet. Une sorte de G6, avec photographie sur le perron mais sans mains serrées à la fin. J’ignore si elles sont parvenues à une résolution quelconque, mais je me prends à l’espérer.
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Semée
juin 09, 2011
Il chaussait du 44, celui qui a perdu sa chance. Et comment il se tenait dessus, difficile à savoir. A voir le talon tavelé, on peut échafauder deux hypothèses, soit le pied vainqueur planté dans le sol à chaque pas comme si ça repoussait, soit le poids un peu déporté vers l’arrière, tentative un peu vaine de freinage, et combien fatigante, sans doute.
Il chaussait du 44, et comment a t-il fait pour perdre sa semelle dans la rue, une démangeaison soudaine et irrépressible, peut-être, alors s’arrêter vite, comme ça, en plein milieu, dénouer déchausser, gratter gratter gratter et puis, dans la légère narcose du soulagement, oublier de tout remballer. Ou alors, il se sera désintégré, sous les yeux de personne dans cette rue peu fréquentée. Et ne resterait de lui que ce souvenir un peu plus coriace que le reste. Le reste, on n’en saura jamais rien, s’il était blond, gras du bide, vieux, antipathique, pauvre, en cravate, sujet aux insomnies, plein d’attention envers sa femme, triste en écoutant certaines chansons, ou bien sujet aux ulcères.
Il chaussait du 44, mais combien pesait-il, combien mesurait-il? Et pourquoi d’ailleurs évoquer ces mensurations au passé? Il doit bien continuer d’évoluer de par le monde, sans doute pas loin d’ici, délesté, seulement, de quelque chose : un amortisseur trop grand pour moi, je le crains. D’ailleurs, cette chance là, je ne l’ai pas saisie.