Le voyageur qui voulait faire provision d’eau pour continuer sa route sera déçu quand il sortira de la librairie – car la scène se passe devant la librairie Strand, 828 Broadway 12th St. NYC comme la couleur des taxis à l’arrière-plan l’indique. Un inconscient qui a cru faciliter la tâche des éboueurs et la marche des piétons, à moins qu’il ne s’agisse d’un plaisantin toujours prêt à faire une farce, a redressé sa valise à la verticale et l’a inconsidérément rapprochée de la poubelle. Ce qui peut suggérer que son aventure finit là, ce vendredi 23 septembre, et provoquer un enlèvement par les services de la voierie ou un réemploi par une voyageuse sans bagage. J’y ai pensé moi qui voyage un peu léger. Le voyageur bibliophile monté sur la pointe des pieds jusqu’au 4e étage de la librairie, petite flaque à sa suite sur chaque marche, avait pourtant pris soin de poser sa valise bien à plat sur le trottoir, couvercle rabattu grand ouvert, pour qu’elle se remplisse. Au lieu de quoi, la valise de qualité médiocre se détrempe, la pluie la traverse et son propriétaire n’en sait rien, tout absorbé qu’il est, lui, dans la contemplation d’un incunable. Mains glissées dans les fins gants blancs qu’on lui a fournis, il n’ose cependant tourner les pages de l’un des deux seuls exemplaires subsistants de l’anonyme Art admirable de faire communiquer les vases mis à la portée de tous, imprimé à Lyon, en langue vulgaire, dès 1478.

Pour voir la pluie sur la valise

Merci à Martine Sonnet, chef de gare littéraire de Montparnasse et de tout lieu de départ, pour l’invitation qu’elle m’a faite à placer nos échanges de ce mois d’octobre sous le signe de la valise. Vous trouverez ma vision de la valise chez elle.

Merci à Brigitte Celerier pour la liste de tous les vases communicants de ce mois-ci.

La valise à New-York – Martine Sonnet | 2011 | vases communicants des autres sur Petite racine