Pour l’instant ne cherchez pas l’été sur les rives de la Seine, de la Loire ou du Rhône :  il s’est installé à  Ekaterinenbourg et s’y trouve bien. Je peux le dire, j’en reviens. Le soleil là-bas tape dans un grand raffut sur le verre des buildings, le marbre des emmarchements des immeubles d’affaire, le fleuve si large, qu’on n’arrête pas de traverser, retraverser, reretraverser. Et malgré la chaleur, les pas sont légers dans des distances beaucoup plus grandes que celles si raisonnables qui séparent, dans nos villes denses et étroites, un endroit où nous avons à faire d’un autre endroit où nous avons à faire.

L’été est à Ekaterinenbourg. Plus exactement, il a élu domicile pour au moins quelques jours encore dans une petite rue un peu à l’écart des avenues où triomphent en syncrétisme les imageries CCCP, une certaine idée de la modernité (?), et les filles aux cheveux lisses, aux hanches étroites et aux talons très hauts.

Le vrai été s’épanche un peu à l’écart, dans cette petite rue, à l’ombre de peupliers dont le pollen ouaté dépose partout une neige étrange et douce.

Quand on remonte cette rue pour la première fois, on ne voit au départ que l’horizon toujours bleu garanti par la façade de la plus vieille église orthodoxe de la ville.

Puis, on arrive devant une très jolie et improbable datcha blanche aux corniches de bois ouvragées, et l’oeil est attiré par des petits rubans de toutes les couleurs accrochés aux branches des buissons qui bordent le trottoir. Brusquement on se sent comme ces rubans, attaché à une sorte de joie enfantine et chamanique. C’est ici exactement qu’est l’été en ce moment : au théâtre Kolyada, où se tient un festival de théâtre international où l’on nous a fait le très grand cadeau, à Juliette Mezenc, Stéphane Gantelet et moi-même, de nous inviter, pour une performance de mon projet Étant donnée.

Mais avant de vous parler de nous, laissez-moi vous dire d’abord, laissez moi vous donner quelques un des noms de ceux qui font l’été en ce moment.


Il y a Nikolaï Kolyada bien sûr et avant tout. Nikolaï Kolyada donne les tickets à l’entrée des spectacles, sert le vin en Cubitainer à la sortie des spectacles, demande à chacun si ça va, s’assoit parfois sur les marches de la datcha pour discuter et rire, puis repart servir des verres, régler mille détails. Nikolaï Kolyada c’est aussi celui qui est au milieu des comédiens quand ils viennent saluer à la fin de spectacles d’une énergie, d’une liberté telle que forcément ça se propage en vous par la peau et par les yeux, et que la joie chamanique et enfantine, vous comprenez qu’elle n’est pas due qu’aux petits rubans. Nous avons vu le mariage de Gogol, et un Tramway nommé désir, montés tous deux par Nikolaï Kolyada. Vous pouvez aussi voir ici un Hamlet qui ravage, joué à l’Odéon il y a quelque temps. Tant d’intelligence, d’invention, de générosité dans les mises en scène de Kolyada, dans le jeu de tous les acteurs, que je ne vais dire que des âneries à vouloir vous décrire mon trouble, ma joie, ma reconnaissance.

Il y a Natalia Sannikova, que nous avons rencontré en octobre à la Chartreuse, et c’est elle qui nous a invité après nous avoir entendu dans une première version beaucoup plus courte d’Etant donnée. Natalia est une passeuse, au regard et au rire fin (quand elle nous dit, par exemple, qu’en Russie, quand on sort des jurons, on dit ensuite : excusez moi pour mon français!), et c’est un honneur de savoir que c’est elle qui a traduit mon texte pour le public russe. Et merci aussi à Marina, de l’alliance française d’Ekaterinenbourg, pour avoir assuré en direct le sur-titrage et sa synchronisation!

Il y a Varia et Macha, qui nous ont fait le plaisir de leur présence attentive tout le long de notre séjour, de leur français si doux et si maîtrisé déjà, qui nous ont guidés dans les longues longues longues rues d’Ekaterinenbourg, qui ont répondu à toutes nos questions naïves, et qu’on ne voudrait surtout, surtout pas perdre de vue.

Il y a Tatiana, qui nous a accueilli dans son théâtre pour la performance d’Etant donnée, car le festival Kolyada s’épanche tout comme l’été dans de nombreux théâtres de la ville, et nous, nous étions dans celui de Tatiana, nous ne pouvions pas tomber mieux, la salle était comme un cocon pour ce qu’il faut bien avouer être nos premiers essais de scène, si bien que nous n’étions même pas trop intimidés de savoir que s’y jouait aussi en ce moment Combat de nègres et de chiens de Koltes. Là-bas, Ivan, le technicien, a aplani tous nos soucis, et Tatiana a partagé avec nous thé, café, vodka et surtout une gentillesse que la barrière de la langue n’a pas réussi à dissuader.

Il y a les Polonais, les Moldaves, les Kirghizes dont nous n’avons pas vu les pièces, quel dommage, il y a ces étudiantes de Samara avec qui nous avons parlé de choses si importantes qu’avec l’une d’elles nous nous sommes trouvées si étonnées de nous constater si proches que nous sommes tombées dans les bras l’une de l’autre. Il y a tous ceux dont je ne parle pas mais que je vois encore à l’intérieur, je sais, pour longtemps.

Avec tout ça je ne vous ai pas parlé de notre performance… Et bien c’est simple : venez à la Chartreuse de Villeneuve les ‘Avignon du 8 au 15 juillet, nous y sommes tous les jours sauf le 10, à 14h, pour une version plus complète d’Etant donnée, en espérant avoir ramené avec nous, si ce n’est le jeu « Kolyada style », car nous en sommes très très loin, et nos accessoires de scène sont très différents, au moins une part de l’énergie et de la beauté qu’on nous a donné là-bas.

Et si vous voulez voir quelques images de notre performance, cliquez sur ce lien Kisskissbankbank où nous avons mis quelques actualités et des photos, et n’oubliez pas de nous soutenir, de nous aider financièrement, même avec une contribution très modeste, à la production de ce projet, qui est une performance mais aussi un site web, avec des tas d’artistes intéressants qui participent car NOUS AVONS BESOIN DE VOUS!!!!!

Merci d’avance, et à bientôt, j’espère, en Avignon

Où est l’été | 2013 | ni l'un ni l'autre