J’aime bien travailler avec vous, c’est facile. Vous avez du métier, on ne multiplie pas les prises. Vous savez très vite vous placer, vous connaissez votre exacte place.

Votre place? Celle d’être un peu célèbre. Assez pour que votre corps soit à montrer, pas assez pour qu’il soit à protéger.

Vous êtes rompue à l’exercice des postures et des mines, vous savez donner de la longueur à votre nuque, faire que votre visage capte la plus belle lumière, celle qui vous fait les paupières longues, les pommettes hautes.  Vous avez du métier, pas besoin de tout vous expliquer. Vous savez mimer les gestes de danse mièvres et divins qui vous feront les bras fins, les épaules rondes.

Vos doigts sont en suspens : surtout, il faut qu’ils ne servent à rien. Il faut que votre entière personne, qui n’est qu’un corps, qui n’est qu’une image, ne serve à rien d’autre qu’à suggérer que d’autres courbes attendent et se cachent, qu’elles sont là déjà, qu’on les devine en ombre derrière ce tissu qui n’est pas encore une robe, qu’elles sont impatientes d’exister pour le regard, qu’elles débordent déjà, venant défier la raide colonne devant laquelle je vous ai fait poser.

Vous mimez. Vous mimez la séance d’essayage d’une robe encore à venir, mais on ne sait pas vraiment, si on vous enroule, si on vous déroule, ou bien si on vous forcera à rester plaquée à la colonne, derrière ce tissu si froncé, si fleuri, qu’il habillerait encore mieux cette pièce austère que vous-même, qui n’en seriez qu’un élément décoratif de plus.

Vous êtes la diva du rideau.
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Merci à Alexandra Loewe de m’avoir prêté cette image d’Hannelore Schroth, qui n’est donc pas une inconnue, mais toute série doit connaître et accueillir ses exceptions.

La diva du rideau | 2014 | dans le viseur | Tags: , ,