Nous sommes la famille. Nous nous étageons en âge et en taille, nous suivons sans le vouloir, heureux hasard, la courbe des collines. Nous sommes la famille. Nous en sommes fiers. Ceux-là, devant, qui sont les miens, je sais qu’ils ne sourient pas seulement pour la photographie, je sais qu’ils sourient pour moi, pour eux-mêmes, pour la joie de ce dimanche après-midi, pour ma petite qui tient un bâton comme la grand-mère et occupe son autre main d’autre chose, comme la grand-mère.

La grand-mère, ma mère. Elle est veuve mais elle n’est pas seule. Elle porte avec bravoure le noir de sa robe, son bâton si frêle par rapport à sa stature et qui n’est pas une canne, oh non, elle n’en a pas besoin. Elle porte aussi son sac à main, lourd, gonflé d’amour et d’économies.

La petite, ma petite, est toute blanche et nette, elle porte un bâton que dans pas si longtemps elle dépassera en taille, et j’espère qu’alors elle nous fera encore des bouquets.

Nous sommes la famille. Les parents de ma femme sont aussi ma famille. On se connaît bien maintenant. On s’apprécie. Elle, elle s’occupe souvent de la petite, et nous prépare des soupes. Lui, il est solide, il aime à montrer qu’il est solide et fort encore, et que les choses vont bien pour nous, parce que nous sommes la famille. Sur son ventre opulent il arbore une chaînette au gilet, moins pour regarder l’heure que pour faire savoir qu’il a une montre et qu’elle est en argent. Je ne sais pas si, en dehors des repas, je l’ai déjà vu sans sa cigarette vissée à la bouche.

Et puis Josette. Josette est belle et décoiffée, mal fagottée dans la grande veste que je lui ai prêtée, parce qu’il fait un peu frais. Elle n’a d’yeux que pour la petite, mais je sais qu’en la regardant elle me regarde aussi, car nous sommes la famille.

Et puis Josette | 2014 | dans le viseur | Tags: , ,