Elle a un menton un peu pointu et des yeux avenants. Elle m’a souri quand je me suis assise en face d’elle. Elle a bien voulu se prêter au jeu, contente parce que ça lui rappelait Agnès Varda, cette histoire de mains glanées. Elle m’a tendu ses mains pour la photographie. Pour en parler, elle était d’accord aussi. Elle m’a dit : « ça tombe bien, je me suis fait griffer par mon chat ». Elle m’a montré deux estafilades, les deux sur la main gauche, seulement sur la main gauche.
On a essayé toutes les deux de faire un gros plan sur la griffure, mais au moment du déclic il y a eu une petite coupure d’électricité, la photo était noire (je ne mets pas le flash). Nous n’avons pas retenté.
Elle a cherché encore quoi m’en dire, qu’elle avait la peau sèche, qu’elle avait coupé ses ongles hier. On a parlé d’autres choses, qu’elle était en reconversion professionnelle, qu’elle avait envie de travailler dans le service public. On s’est bien entendues, je crois, le temps de quelques stations.
Au moment où je partais, elle m’a dit, mon chat s’appelle Tulum, le nom d’une ville au Mexique. Je n’ai pas pensé à lui demander pourquoi.
Le soir, j’avais oublié le nom de la ville, le nom du chat. Je m’en voulais.
Et puis le matin c’est revenu, au sortir du sommeil c’est revenu. J’ai appris que Tulum en langue maya veut dire barrière, clôture. Drôle de nom pour un chat, mais beau nom pour mon projet. A Tulum, ville disparue, il y a un temple dédie au Dieu Plongeur, représenté tête en bas, ailes inversés. Puisse t-il m’accompagner.

Le nom perdu de la ville perdue | 2009 | à mains nues | Tags: ,