Comme j’aime arriver le soir, enfoncer la clé dans la serrure, entendre le petit clic du pêne qui cède, enlever mon manteau, appeler :  y a quelqu’un? (comme s’il pouvait n’y avoir personne, comme s’il pouvait y avoir quelqu’un d’autre que toi).

Tu réponds toujours, toujours du même endroit.

Comme j’aime ta posture, calme, féminine. Tu es toujours réservée, même avec moi. Pourtant c’est bien à moi que tu t’es réservée, n’est-ce pas? Petite femme, j’aime ta sobriété de vêtements et comment tu soulages tes jambes en posant tes pieds fins sur la barre du guéridon. Tu te tiens toujours droite, même quand parfois, rarement, très rarement, même quand un soir j’ai fait exprès de rentrer sans bruit pour te surprendre. Tu n’as pas été surprise. Tu étais là, fidèle au poste, le dos droit, à coudre, coudre, coudre.

Jamais tu n’allumes le poste de radio. As-tu besoin d’entendre ton aiguille chanter pendant elle perce le tissu?

J’aime notre intérieur. C’est toi qui le tiens, qui le tiens bien. Tu dis que tu voudrais changer le papier peint. Tu le trouves trop chargé. Moi je ne le trouve pas si usé. Et puis, ça te mets en valeur. Tu te détaches ainsi très bien du fond, toi si unie.(fleur parmi les fleurs, meubles parmi les meubles).

Je n’ai jamais compris en revanche pourquoi tu m’as demandé d’installer ces trois petits cadres en diagonale, en dégringolade. Et cette lumière du soir qui te fait le visage si clair, t’octroie aussi une ombre beaucoup trop grande pour toi.

D’intérieur | 2014 | dans le viseur