En criant, parce que tu es loin encore, je te demande : elle était bonne? « Glacée, réponds-tu, mais tu devrais y aller ça te ferait du bien. »
Moi, plonger là-dedans? Jamais, j’aurais trop froid. Et puis la rivière ce n’est pas ma conception de l’eau. C’est trop… vivant, avec ces courants lents, ces remous glauques, ces algues qui effleurent les mollets comme des caresses non sollicitées. Et puis la vase surtout, la vase partout, la vase qui s’immisce entre les doigts de pieds, se confond avec eux, comme si débutait notre retour à l’argile. Et les cailloux coupants cachés dans la vase. Alors non je n’irai pas, grand bien t’en fasse à toi.
Tu avances vers moi. Tu as l’air d’un athlète. Ton corps est celui d’un athlète, qui aime son corps en lui imposant des défis, des efforts. Tu n’es pas encore sec. Tu ne grelottes pas, tu marches épaules basses, poitrine ouverte, ventre rentré. Quand tu seras près de moi tu déposeras tes affaires sèches dans le panier et tu viendra t’ébrouer juste à côté de moi. Je pousserai des cris de joie et de protestation. Tu n’es pas encore sec mais tu n’as pas l’air mouillé. C’est comme si la rivière t’avait laissé indemne.
En te voyant marcher pieds nus sur la terre poussiéreuse, je te soupçonne d’avoir fait pareil tout à l’heure : marcher sur l’eau comme si c’était un sol acceptable.