Viens ! Allez, vas-y, n’aie pas peur! Papa est là. Tu sais que tu ne crains rien quand Papa est là! Allez, courage! Oui! C’est bien, pose ton petit pied à plat comme ça, avance! Viens voir Papa! Allez, encore! Oui, c’est bien! Comme tu es grand maintenant mon garçon! Enfin je te vois. De toute ta petite hauteur je te vois. Allez, encore un pas… Parfait, allez, on continue! Et encore un! Tu es un vrai conquérant dis-moi! Je suis fier de mon fils, il est fort, il se débrouille bien.
Bientôt tu vas lâcher la main.
Bientôt tu feras tes petits pas tout seul. On partira tous les deux dans le jardin, tu me suivras… Tu verras, on s’amusera bien tous les deux.
Et puis on sortira du jardin.
On ira sur le chemin là-bas, et dans les prés. On ira dans les forêts. Je t’emmènerai à la chasse, tu veux? Je te verrai tenter de courir après les lièvres débusqués, je t’entendrai rire de terreur, de surprise, et puis te fâcher de ne pas pouvoir les rattraper.
Mais ensuite tu auras ton petit fusil. On partira loin tous les deux, avec les autres on partira, avant l’aube.
On se taira et on marchera longtemps. Tu passeras devant, et tu n’auras pas peur dans le noir. Tu seras l’éclaireur, tu n’auras pas peur. Un homme n’a pas peur. Un homme sait qu’il est tout seul et qu’il doit savoir marcher, un pas devant l’autre et encore, il doit savoir marcher sans pitié pour lui-même ni pour les autres, un homme doit savoir oublier qu’il a été petit et que des bras l’ont tenu. La main qui t’a guidé ne comptera plus. Marche mon fils, marche.