C’est elle qui lui a proposé. Il ne connaît pas sa chance. Elle lui a dit comme ça, comme si ça lui passait tout à coup par la tête, tu viens on danse. Elle s’est levée, tout bouge.
Il était en face d’elle toute la soirée, les plats passaient devant eux comme péniches sur fleuve lent, lui attrapait, engloutissait, parlait, elle, s’est à peine servie. Trop occupée à rire de ses agaceries à lui. Je l’ai vue répondre au début, pétillante. Je l’ai vue redonner pique pour pique. Puis, devant son insistance à la taquiner, elle n’a plus résisté à ses plaisanteries, ses allusions à leurs secrets d’alcôve. Elle s’est réfugiée dans le plus petit abri qui lui restait, son rire – clochettes et plumes pour l’oiseau facile. Et plus elle riait, plus elle avait soif. Elle s’est éthérée au fil des heures dans le mousseux des flûtes, tout bouge. Ses yeux, ce soir, sont bordés de khôl en rive incertaine, prêts à déborder. Ce qui la retient encore : un air de satisfaction maritale qui la dispense d’une autre pudeur, sa robe très près du corps, armure de coton épais qu’un seul zip défait. Ses doigts jouaient avec son collier de perles, mais tout à l’heure c’est elle qui s’égrenera dans les draps. Elle se lève, je vois dans ses hanches tout le désir de danse. Fleur à cueillir, tournée au vent.
Mais tout bouge, ce n’est pas avec moi qu’elle va danser. Déjà il touche son bras. Dans un instant il aura posé la main sur sa taille, il l’amènera à lui, la serrera, continuera de la faire rire, pourra constater sur sa peau l’odeur âcre de l’excitation.
Lui je l’éblouis, je le fige. Puisse t-il cesser de la posséder sans l’aimer. Puisse t-il toujours apparaître ainsi, yeux surpris, bouche en trait de silence enfin regagné.
Elle, s’éveillerait de ne plus rien entendre. Et dans la surprise, dans l’ennui de retrouver ses droits sur elle-même, peut-être elle m’apercevrait de nouveau.

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Et, rien à voir, mais je serai le 4 décembre au soir (ça approche) à la soirée Dizain #3, et le mardi 18 décembre aux Entretiens du nouveau monde industriel. J’en parlerai plus longuement très bientôt.

Tout bouge | 2012 | dans le viseur