Le monde n’est plus lisible, il est navigable. Plus précisément,  les instruments de navigation dans l’image se font de plus en plus passer pour des instruments de déambulation dans le réel. Et sans faire trop d’efforts, sans faire trop attention, on finirait par s’en contenter. Alors, quoi écrire, si c’est ça? J’ai appris très récemment, lors des sondes de la Chartreuse de Villeneuve les Avignon, qu’il existait une technique de tatouage invisible des images : codage permettant qu’une information insue soit transportée en même temps que ce qui est visible. Généralement cette technique est utilisée comme signature, à des fins de copyright, mais ce serait faire injustice à la très vieille tradition de cryptographie d’en limiter ainsi les potentialités.

Donc, tout ça pour dire que comme monsieur Jourdain, sans le savoir, je fais du tatouage invisible, que c’est même l’unique but du projet qui me tient depuis quelques mois : inoculer au visible quelque chose qui le dépasse, quelque chose même qui le grignote de l’intérieur, quelque chose abstrait à déchiffrer, bref, de l’écriture.

Et tant qu’à faire comme les souris, à grignoter comme ça le visible, autant le faire à plusieurs. Voici donc comme exemple un texte écrit à deux voix avec Pierre Ménard, texte écrit pour s’intégrer à la fois à mon projet, Etant donnée, et au sien, Lignes de désir. Ce texte raconte la fin de l’histoire, parce qu’il est toujours bon de commencer par la fin, d’autant que dans cette histoire la fin parle d’un temps se situant avant son début, mais ne croyez surtout pas que je cherche à vous embrouiller. Juste, si vous  voulez en savoir un peu plus sur le projet Etant donnée, j’en parle là (archives de la table ronde du 10 janvier 2012 lors de la journée Humanisme numérique à la BnF)

Et merci à Guénaël Boutouillet car s’il n’avait pas eu l’idée de nous inviter, Pierre et moi, à faire une lecture ensemble le 15 décembre dernier, nous n’aurions pas eu celle d’écrire ensemble ce texte. Le montage vidéo est de Pierre Ménard à partir d’une idée de lieu que je lui ai suggéré. Et un jour quand je serai grande je vous en ferais une version jeu vidéo, pour que vous puissiez naviguer en toute liberté, comme dans la vraie vie, du moins le croyez vous.

 

Tatouage invisible | 2012 | ni l'un ni l'autre