Mais non je ne te le dirai pas. N’insiste pas. C’est trop tard de toute façon. Ou alors trop tôt. Ce n’est pas le bon moment en tout cas. Tu vois bien que ça ne changera rien. Tu t’en doutes bien. Depuis le temps qu’on en est là, à ne rien se dire. A ne rien se dire vraiment. Et puis j’ai déjà essayé, souviens-toi. D’accord, j’ai fait ça n’importe comment. C’était très maladroit. Mais tu aurais pu faire un effort pour comprendre, quand même. Alors que non, tu as fait la sourde oreille. Tu as fait comme si je m’adressais à quelqu’un d’autre. Tu as fait comme si ça n’existait pas. Et maintenant tu voudrais que je te déballe tout comme ça? Que je balance, tout à trac, tout cela qui ne fut pas dit? Crois-tu vraiment que ce soit possible? Il y a trop de silence par dessus, trop de mots, trop de fatras. Et puis de toute façon tu t’en fous. Tu ne veux pas savoir, au fond. Ce n’est pas vraiment ton problème. Ou alors si, c’est peut- être un peu ton problème mais tu préférerais que ce problème t’oublie. Donc, tu ne veux pas savoir. Tu fais comme si, seulement. Et puis si tu voulais vraiment, tu n’aurais pas besoin de moi pour l’apprendre. D’ailleurs tu le sais déjà. Tu le sais depuis longtemps. Depuis toujours tu le sais et tu fais comme si de rien n’était. Et maintenant tu voudrais que je te le dise. Ça t’arrangerait que ça se passe comme ça. Que ce soit moi qui prenne la responsabilité de te le dire, comme si c’était quelque chose d’étranger à ta vie, comme si tu regardais la télé, et qu’on t’annonçait je ne sais quelle élection, je ne sais quelle catastrophe, à des milliers de kilomètres de toi. Tu voudrais voir comment ça brûle et garder la tête froide. Tu voudrais voir la crue tout emporter, et garder les pieds au sec. Tu voudrais que je te joue la scène comme ça, que je te le dise d’une manière qui ne te concerne pas. Alors je ne te le dirai pas. Car je ne veux pas, tu m’entends, je ne veux pas que tu puisses penser que cela ne te concerne pas.