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Laver son linge sale en famille : un précepte fondamental. Le socle, en quelque sorte, de notre société patriarcale.

La laverie automatique est la seule concession à ce commandement sacré. Un sorte de maison close du lavage de linge, honteuse mais tolérée pour l’hygiène.

On y rentre, on éprouve de suite ce déplacement forcé des notions de familiarité et de pudeur. Côte à côte en remplissant les machines, on fait semblant de s’ignorer. Au même moment, on s’éprouve, fragile.

Sur un banc mal calé, on regarde ensemble, et pourtant séparés, les mouvements rotatifs, hypnotiques, des tambours de sèche-linge, inexorables, infiniment fatigants. On guette celui qui s’arrêtera en premier. On contemple l’écroulement subi du linge, enfin libéré de la roue sempiternelle. Le soulagement que ça fait, quand ce bruit chaud s’arrête…

Et puis on remballe, on s’en va, on s’oublie. Ne reste que le souvenir d’une famille éphémère dans laquelle le linge fut lavé. Ne reste que la fraternité.

Alors, à quand les machines à laver dans la rue?  Que la fraternité ne parte pas au rebut…

sur la voie publique | 2010 | compléments d'objets | Tags: , ,