Ma pensée, petit crochet avide. Devant elle passe un flux de formes, de couleurs, de sollicitations. Passe trop vite. Et mon petit crochet est malhabile, jamais bien orienté. Plus je me concentre et plus il tremble, plus il manque son but, devant le monde si rapide qui me passe sous le nez. Il faut, pour que j’ai mes chances, aller où les choses ralentissent, d’être trop nombreuses. Il me faut des embouteillages, il me faut à portée de crochet beaucoup plus que je ne peux en saisir. Là, je ne choisis pas, je fonce dans le tas, dans la multitude immobile. A l’aveuglette je pêche, sans distinction, pour le plaisir seulement de l’occasion. J’harponne avec furie mais sous mes coups jamais le monde ne s’ensanglante.
Et puis, quand mon panier est plein, je suspens le petit crochet, j’offre ma pêche miraculeuse à qui veut bien la prendre, j’attends ma récompense, ce mélange de surprise et de déception.