Ce matin, pris le métro avec l’appareil photo dans le sac, au cas où le courage me prendrait de photographier des mains, comme je me le suis promis. Une fois dans la rame, j’ai aussitôt plongé mon nez dans un livre pour éviter d’avoir des occasions. C’est seulement dans l’escalator de sortie, où je ne pouvais pas ne pas regarder, que j’ai vu cette main, posée sur la rampe de caoutchouc. Une belle main fine de femme, qui montait comme ça devant moi au rythme de l’escalator. La femme je n’en voyais que le dos, manteau blanc cintré avec une petite ceinture noire, et long cheveux noirs, soignés. La main était parée d’une grosse bague très clinquante, avec une sorte de fausse perle de culture, énorme, cernée de gros brillants. Je me suis dit que cette main coquette peut-être accepterait sans rechigner la photo. J’ai appelé la femme, j’ai dit : « Excusez-moi ». Elle s’est retournée, c’était une belle femme, la quarantaine, peau mate, yeux bien maquillés, nez pointu. Elle m’a répondu génée : « je ne parle pas français. »
La proie pour l’ombre | 2009 | à mains nues