Ca commence comme ça, faire jouer sur leurs gonds des huisseries endormies. Ca grince, ça s’ouvre. Ca fait rentrer la lumière, l’air.
Regard autour, mesure des proportions, des abandons.
Soulever la poussière. Débusquer des insectes affolés et leurs larves.
En passant, sentir que l’on emporte aux épaules, et dans les cheveux, des restes de soies noires et complexes, qui lentement s’étaient tissées aux encoignures. Sur la laine elles resteront fidèles, d’avoir ainsi été déchirées.
Aller chercher un plumeau, long, long, long, pour mettre beaucoup de distance entre soi et les toiles à désengager. Il y en a tellement, il y en a partout. Et leurs formes, on pourrait en faire catalogue.
Il y a les à peine perceptibles pelotes de soie blanche, accrochées aux plinthes, tenaces, coriaces malgré leur délicatesse.
Il y a les grands plaids épais et suspendus en hamac entre deux poutres. Celles-là resteront : trop hautes pour être atteintes. Et on se prend, aussi, à aimer le filtre qu’elles font à la lumière venant du toit.
Il y a les récentes, les habitées, les sournoisement cachées. Celle-là on ne les dégomme pas au balai. Recours à l’arme lourde. On ouvre le placard et dès qu’ouvert on braque l’aspi dans les coins, comme dans les films américains. Parfois la locataire résiste un peu, sur ses longues pattes s’enfuit, s’accroche, avant de céder, comme nous tous un jour, à l’aspiration.
Il y a aussi ces nobles amas noirs accrochés en haut des portes, écroulés sur eux-mêmes comme des vieux astres, et faisant un bruit mou et lourd, un bruit d’oeuf gobé, quand le tube les happe.
Et puis, on croit qu’on a fini le travail, et on aperçoit encore un filament qu’un faible courant d’air fait danser. On l’attrape, on l’arrache, et vient alors sous le doigt toute une histoire planquée, plaquée. Une écriture fine et clandestine, en affleurement des murs, de tous les murs. Et de se prendre à espérer d’être lue un jour comme cela, par surprise.