C’est l’ascenseur qui nous remonte de dessous la terre. On s’entasse, c’est heure de pointe. La lumière sur l’inox des parois fait des croisillons comme si on clignait des yeux, mais en plus grand, en plus long, en plus répété. C’est la différence du perçu au réel, la répétition. La répétition à l’identique.
Dans l’effort de recevoir on prend ça dans les yeux, des visages. Fermés dans l’attente de remonter. Presque plus des visages tellement fermés, absents. Se donnent en nature morte, en corbeille de fruits.
De là tombe une oreille, plutôt, elle se détache, comme ferait d’une nature morte un citron très acide ou une huître très nacrée. L’oreille se détache, on ne voit plus qu’elle, incroyablement grande et étalée, comme déroulée. Une pâte, décongelée, reprise du travail de levures invisibles, et se mettant à boursoufler sur les bords. Une monstrueuse future viennoiserie qui lève comme ça le temps d’une montée en ascenseur.
On se reporte alors au visage dont elle dépend, pour vérifier les rapports de proportion : aucun. Tout le reste est azyme, plat mais alors plat.
Je ne sais pas, d’un côté ça doit être vexant d’avoir une oreille comme ça. Une oreille débordante. Un pavillon de déplaisance naviguant à l’insu de son propriétaire.
Ou alors, c’est une fierté. Chercher sur soi, en soi, quelle est la partie qui s’abandonne à la démesure, pour qu’au moins les voisins s’élèvent à nos côtés sans s’ennuyer.
Lever | 2017 | ni l'un ni l'autre