Vous pensez peut-être qu’une jardinière c’est un parallélépipède en fibro-ciment s’écaillant doucement pendant que des plantes étiques y dépriment en cherchant la sortie. Pourtant, le Trésor de la langue française est formel, une jardinière, c’est bien la variété féminine du jardinier. Ici, nous avons affaire à une jardinière très particulière. Elle cultive un jardin vertical sur une paroi vitrée. Elle y place des feuilles, et crée ainsi un avant-plan pour la photographie, avec ce résultat que le cadre est dans la photographie au lieu que ce soit l’inverse. Elle colle les feuilles à la vitre en utilisant sans doute leur adhérence naturelle. Côté extérieur. Ne croyez pas que ce soit par paresse, pour éviter de les amener à l’intérieur. Non, la jardinière est infatigable. Elle sait que les feuilles se plaisent plus à l’air libre.

Certaines sont disposées de côté comme si elles indiquaient une direction : c’est par là, suivez le chemin. Vous savez, dirait-elle, le chemin de la vie, celui qui change de direction chaque fois qu’il me vient une nouvelle idée, une curiosité. Aimerait-t-elle, comme lui enfant, placer ces feuilles entre des lames pour regarder leurs cellules au microscope. Suivre les nervures, les canaux qui apportent l’eau et les minéraux des racines aux feuilles et qui ramènent le glucose vers la plante, comme une miniature à l’envers de nos artères et de nos veines. Voir les cellules tapissant toute la surface, pas deux pareilles et pourtant toutes semblables.

Derrière des plantes grimpent en s’agrippant au claustras. Elles accrochent le soleil, le réfléchissent presque comme des miroirs. Mais la nuit, le soleil électrique sera du côté des feuilles vitreuses. Elles deviendront plus transparentes encore, guideront les visiteurs. C’est ici, chez la petite jardinière, diront-elles.

Philippe Aigrain

 

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Ce site était en jachère depuis un certain temps, du fait que je me dissémine dans de nombreux autres endroits (notamment celui-là, et celui-là).  Il fallait donc un jardinier hors pair pour venir ici proposer des surprises nouvelles sans ratiboiser les herbes folles. Nous avons plusieurs choses en partage avec Philippe Aigrain,notamment le goût du jardin, alors nous nous sommes échangé des photos sur cette évocation pour ces vases communicants de juin, et voilà. C’est peu de dire que cela me rend fière et heureuse.

Mon texte chez lui, est à lire ici

Et pour lire toutes les fleurs de ces vases communicants de juin, grâce à Brigitte Célerier, c’est ici.

 

 

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