Faire un vase communicant avec  Brigitte Célérier , c’est un peu comme faire une potion magique avec la fée Mélusine, on est sûr que ça va être magique. Donc, voilà, c’est ma chance pour débuter l’année 2012, elle chez moi et moi chez elle.

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Regarder le mot matière, s’effarer de l’ampleur, ajouter un s pour circonscrire, cerner, mais ne savoir toujours pas par où le prendre – rêvasser, se dire :

ce pourrait être, tu sais : matières : les paysages ou les tables de Dubuffet, ou, tiens… plutôt les empreintes : «La plaque était rarement lavée. Une épaisseur incertaine d’encre sèche où s’étaient immobilisés les grains de sucre ou de semoule et les balayures de lingerie dont je faisais alors usage la revêtait légèrement. J’étendais l’encre par dessus sans m’en soucier autrement…. je frottais (parfois) le rhodoïd avec une éponge et je prenais au cours de cette opération quelques empreintes de la plaque ainsi lavée d’eau ; j’obtins par là très souvent de très merveilleuses images mais c’est une technique hasardeuse», la recherche, et ce qu’il y a en elle de doucement jubilatoire, au delà de la tension.

ou bien, tu sais :

Pieds le long d’un sillon dans la grasse terre noire retournée qui luit doucement après la pluie – pieds tordus sur caillasses effleurant de la rousse terre pulvérulente du sentier dans l’enivrement des pins et une main se pose sur un tronc pour poisser – pieds glissant sur un rocher humide, couleurs doucement ravivées, éclats de cassures, mica, sous le choc d’un rayon de soleil, le bourdonnement du torrent – pieds sur roseaux brisés, jaunis, parfois détrempés jusqu’au brun, brisures agressives, au bord du marais

ou encore, sais-tu :

pieds sur les rondeurs inégales, la gamme de couleurs, des cailloux d’une calade – plantes de pieds brûlantes sur sable mou où ils s’enfoncent dans un creux où le soleil darde – plantes de pieds claquant d’allégresse ou de rage rentrée sur le sable humide de la laisse de mer – pieds glissant sur les tomettes, sur la fraîcheur lisse et discrètement glorieuse du marbre – et l’esprit qui les mène vers un but, l’esprit qui rêve en leur compagnie, l’esprit qui calcule les promesses de l’humus, l’esprit boudeur qui leur commande frappe.

ou bien encore, tu sais :

mains qui malaxent la pâte en train de prendre, collante, visqueuse, sur la paillasse enfarinée – mains qui tentent de cueillir les gouttes glissant de l’autre côté de la vitre, qui disent froid – mains qui froissent une étoffe, qui la jugent, qui précisent la vue, contact du velours sur la peau, l’image d’une pèche, l’alliance des mots, la sensation, le début d’un poème… mains qui cousent, créent, transforment, disciplinent – mains qui, en plaisir, malaxent l’argile humide, l’assouplissent, en cueillent, hésitent, caressent, créent.

Mais ce pourrait être, aussi, sais-tu :

regarder la fragilité d’une nuque, l’ombre d’une chevelure, le désir de toucher – un chemin d’argent vers la lune frissonnant avec le clapot dans la nuit de la rade – une voûte, le grain dans la pénombre des pierres, leur beauté domestiquée, la lumière de l’esprit dedans enclose, et manifestée.

ou, tu sais, un corps :

en soutien muet, oublié, de l’idée qui se déploie, nourrie des sens, jouissance – le jeu de correspondances, de la mémoire du monde vécu – le sommeil, la fatigue bravée, la pensée aiguisée – la douleur sourde envahissante, l’hébétude, l’esprit à l’affût impuissant – l’acceptation de ce poids, la profondeur venue furtivement avec l’apaisement, l’imagination et la pensée qui reviennent sans qu’on sache, différentes. (Je crois que j’ai perdu le s)

 

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Et pour tout suivre des vases communicants, c’est ici, grâce à qui? A Brigitte Célérier

Errance d’un mot – Brigitte Célerier | 2012 | vases communicants des autres sur Petite racine