Les murs muent, et nous les aidons. Nous faisons tomber leurs vieilles écailles comme si c’était celles de nos yeux.
Comment s’y prendre ? Doucement, introduire une lame dans la fissure, couteau dans la plaie qu’on ne cherche pas à enfoncer profondément, mais seulement à glisser sous la peau de peinture, pour qu’elle se désolidarise, qu’elle fasse lambeau, qu’elle cède enfin. Mais souvent ça rechigne, ça tombe en tout petits confettis mous, et sur le sol c’est comme un lendemain de fête désenchantée.
Au bout de quelques heures il y a un résultat : une dévastation, une géographie. La possibilité de nommer des îles, des continents, des mers intérieures, et de faire le récit pour soi-même des guerres atroces menées d’un littoral l’autre, des réconciliations peut-être.
Murs muets, Pangée primitive sans trou, sans langage : les voilà devenus lépreux, les voilà devenus possiblement légendés, légendaires, du fait de notre découragement.
La tentation est forte d’en rester là, devant cette carte au 1 :1ème moins grande que celle de Borges, d’accord, mais celle-ci on pourrait la faire évoluer à sa guise :
Partition d’un pays
Effondrement subi d’un polder
Apparition soudaine d’une faille
Naissance d’un Baïkal
Disparition définitive de l’Atlantide
Mais il y a le soupçon de plomb attaché à ces murs, et le souhait de ne pas associer Saturne à nos entreprises. Alors nous allons finir, d’un coup de Ripolin, par inventer cela, la Fin de l’Histoire (ou tout au moins la passer sous un grand silence blanc).